Grandaddy - The Sophtware Slump
Label : Universal Sortie : 22/08/11 Parution originale : mai 2000 Format : 2CD Disponible : Partout |
C'est l'album de la consécration, comme le veut l'expression... consacrée. Celui qui aura transformé un petit groupe adulé en pointure de l'indie-rock contemporain, pour ne pas dire en référence. C'est aussi et sans doute, très certainement, le chef-d’œuvre absolu de ses auteurs, même si bien sûr les quatre albums de Grandaddy sont formidables et indispensables (il est de bon d'être particulièrement sévère avec les deux derniers, mais soyons sérieux cinq minutes : si tous les groupes de 2011 sortaient des disques du calibre de Just Like the Fambly Cat, nous serions tous aux anges). Bien sûr, bien sûr. Tout cela a déjà été cent fois, mille fois, et l'on voit mal ce que l'on pourrait ajouter.
Onze ans plus tard, pourtant, on écoute la somptueuse réédition de The Sophtware Slump avec le sentiment de ne jamais rien avoir lu dessus. Rares sont les groupes à pouvoir se targuer d'avoir eu autant de presse tout en restant suffisamment insaisissables pour que tout le monde passe à côté de certaines évidences. Les rééditions ont au moins ce mérite que de permettre, occasionnellement, de remettre les choses en perspective. Ici, dès les premières mesures de 'He's Simple, He's Dumb, He's the Pilot', immense tube indie à l'époque, on est comme assommé par la dimension classique, intemporelle... inaltérable de cette musique. Grandaddy n'était pas qu'un formidable orchestre pop : il était aussi un groupe ne se ressemblant à aucun autre, une faille spatio-temporelle dans le rock de la fin quatre-vingt-dix/début deux mille. Ou comment un nerd au look de bûcheron canadien (ou de grunger) se piqua un jour de bâtir des montagnes psychédéliques sur les cendres du trip-hop et du grunge.
A l'époque, certains parlaient au sujet de Grandaddy de lo/fi. L'expression fait sourire face à une musique capable d'une telle emphase. Elle n'était pas forcément fausse, mais Jason Lytle ne s'inscrivait assurément pas dans la définition contemporaine du genre. Il ne s'agissait pas de sonner crado, pauvre, mais au contraire d'illustrer la vieille expression "le moins peut le plus". Jamais son goût pour le minimalisme ne l'amenait à s'enliser dans les marais du cheap. A l'époque où toute la scène indé américaine n'avaient d'yeux que pour un groupe nommé trottoir, dont l'ex-batteur mixa d'ailleurs The Sophtware Slump, Lytle, ses 'Broken Household Appliance National Forest' et 'Jed's Other Poem', avaient la tête dans les étoiles. Le contenu, à l'humour corsé, n'était pas si différent, avec ses robots mélancoliques et ses paysages sauvages. Mais le contenant se situait très exactement à contre-courant de ce qui se faisait à l'époque, spatial, contemplatif et ne rechignant même pas à se lancer dans une pop progressive à l'élégance rare. Morale de l'histoire ? The Sophtware Slump est l'un des rares albums de l'année 2000 que l'on écoute aujourd'hui avec un plaisir intact, peu importe que l'on connaisse jusqu'au plus petit sillons de ses ballades stellaires ('Miner at the Dial-a-View') ou de ses comptines cosmiques ('The Crystal Lake', 'First Movement/Message Fade' * ou 'Wonder Why in L.A.' sur la présente édition...). Et il en sera sûrement encore de même quand notre monde se sera effondré et que les derniers auditeurs ne seront plus que des robots, bouleversés par 'Jed The Humanoid'. "Merde, diront-ils. Comment cet humain mort depuis deux cents ans peut-il aussi bien comprendre ce que je ressens ?"
Thomas
(*) L'une des plus belles chansons de Jason Lytle, initialement parue sur l'EP Through of Frosty Plate Glass (2001), repris ici dans son intégralité.
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11:04 | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Là, je pense que tout est dit, et bien dit !
Écrit par : lyle | 01/09/2011
Répondre à ce commentairedu coup personne ne dit plus rien...
Écrit par : Xavier | 03/09/2011
Répondre à ce commentaireOu tout le monde s'en fout...
Après tout, au sommet de sa "gloire", Grandaddy remplissait juste le Trabendo (OK, c'était plus dur qu'aujourd'hui...) et était finalement plus un groupe qui plaisait à la presse qu'à la foule...
Écrit par : lyle | 04/09/2011
J'aurai bien commenté, mais le premier paragraphe de Thom m'en avais dissuadé (tout ce que j'avais à dire a en effet été déjà dit 100 ou 1000 fois apparemment)
allons y pour une fois de plus: oui je trouve que ce disque est leur meilleur, oui je trouve que Sumday est un bon album mais assez surcoté, et oui je trouve que le dernier est décevant et semble avoir été finit dans l'urgence avant le split, sans prendre le temps de murir les morceaux (il me rappelle, pour d'autres raisons, le dernier album de Sparklehorse).
Je n'ai jamais parlé de Grandaddy sur mon blog, mais j'avais toujours dans l'idée d'y consacrer un article pour analyser comment, des fois, on se fait prendre par la "hype". J'ai écouté passionément ce groupe pendant un laps de temps assez bref, et depuis, chaque fois que j'y reviens, je n'y trouve plus mon compte... c'est bien, mais finalement assez éloigné de mes gouts...
et pour finir, j'ai la facheuse impression qu'une grande part de leur relatif succès est du au non look de Lytle. Pas un article (et celui là fait de meme) qui ne cite le décalage entre son physique de bucheron et ses délicates mélodies. A croire (en exagérant) que si ces mélodies avaient été écrites par un sosie de Thom Yorke, personne n'y auraient prété attention...
Écrit par : Xavier | 04/09/2011
Répondre à ce commentaireJ'aurai bien commenté, mais le premier paragraphe de Thom m'en avais dissuadé (tout ce que j'avais à dire a en effet été déjà dit 100 ou 1000 fois apparemment)
allons y pour une fois de plus: oui je trouve que ce disque est leur meilleur, oui je trouve que Sumday est un bon album mais assez surcoté, et oui je trouve que le dernier est décevant et semble avoir été finit dans l'urgence avant le split, sans prendre le temps de murir les morceaux (il me rappelle, pour d'autres raisons, le dernier album de Sparklehorse).
Je n'ai jamais parlé de Grandaddy sur mon blog, mais j'avais toujours dans l'idée d'y consacrer un article pour analyser comment, des fois, on se fait prendre par la "hype". J'ai écouté passionément ce groupe pendant un laps de temps assez bref, et depuis, chaque fois que j'y reviens, je n'y trouve plus mon compte... c'est bien, mais finalement assez éloigné de mes gouts...
et pour finir, j'ai la facheuse impression qu'une grande part de leur relatif succès est du au non look de Lytle. Pas un article (et celui là fait de meme) qui ne cite le décalage entre son physique de bucheron et ses délicates mélodies. A croire (en exagérant) que si ces mélodies avaient été écrites par un sosie de Thom Yorke, personne n'y auraient prété attention...
Écrit par : Xavier | 04/09/2011
Répondre à ce commentaireoh non! pas le coup du double commentaire!
Écrit par : Xavier | 05/09/2011
Répondre à ce commentaireMais non, mais non...
Je comprends très bien ton paragraphe sur la hype. Quand à Lytle, en concert, il faisait nettement plus miteux que bucheron... :-)
...ce qui ne contredit pas d'ailleurs ce que tu dis sur le non look. Avec E ça faisait quand même une sacré paire de losers adorés par la presse (et un bon contrepoids à des branleurs genre Courtney Taylor-Taylor...)
Écrit par : lyle | 05/09/2011
"un article pour analyser comment, des fois, on se fait prendre par la "hype". J'ai écouté passionément ce groupe pendant un laps de temps assez bref, et depuis, chaque fois que j'y reviens, je n'y trouve plus mon compte... c'est bien, mais finalement assez éloigné de mes gouts..."
Je ne vois pas vraiment le rapport avec la hype. Pour autant que je me souviennes, Grandaddy n'était pas plus "poussé" par la presse que Sparklehorse, et il l'était moins que Mercury Rev ou les Flaming Lips, par exemple... comme le dit Lyle, on est quand même assez loin de groupes comme les Dandy Warhols (ou leurs potes du BJM), qui n'avaient foncièrement qu'un talent très relatif et n'auraient jamais fait carrière sans le soutien de la presse. Grandaddy avait tout de même beaucoup plus d'âme...
Écrit par : Thomas | 07/09/2011
Répondre à ce commentaireSans doute pas plus poussé que Sparklehorse mais aussi Spain, Calexico, Tindersticks... mais néanmoins suffisament présents et encencés à la dimension de l'époque pour qu'on puisse parler de hype et que, avant l'époque du téléchargement massif, les disques aient leur petit succès grace à ça.
Écrit par : lyle | 07/09/2011
le terme "hype" est trop fort, c'est pour ca que je l'avais mis entre guillemets. n'empeche que Grandaddy a été à un moment Le groupe "indé" à écouter (je me rappelle que Bowie l'avait cité à la télé à un Guillaume Durand interloqué qui lui avait demandé quoi écouter en ce moment). et puis hype a un coté survendu que je n'applique pas à Grandaddy, qui méritaient effectivement leur succès. ce que j'essayais de dire est qu'ils ont en revanche pris une plus grande importance dans ma histoire musicale qu'ils n'auraient du (phénomène assez rare).
Écrit par : Xavier | 07/09/2011
Répondre à ce commentaireJe suis d'accord, ça a été un des groupes à citer à un moment. Pas sûr qu'il ait été autant écouté que cité d'ailleurs...
Écrit par : lyle | 13/09/2011
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