Joanna Newsom - Have One On Me
Label : Drag City Sortie : 08/03/10 Format : CD / LP Disponible : Partout | J'imagine la scène. Bon pour mon prochain disque j'ai pensé à un triple album, avec des chansons de sept minutes de moyenne. Hurlement de terreur du manager, et les singles, les passages radio tu y as pensé à ça. Et qui achèterait un triple album aujourd'hui, déjà les simples on a du mal à les vendre... Tu vois la porte là-bas, et ben prends-la tiens. C'est sans doute ce qui se passerait si quelqu'un avait cette idée aujourd'hui. Sauf si ce quelqu'un(e) s'appelle Joanna Newsom. Parce qu'elle a déjà prouvé avec Ys (cinq titres, 55 minutes) qu'elle pouvait tout se permettre et qu'elle se foutait du format de trois minutes. Alors pourquoi pas pour son troisième album un triple LP et plus de deux heures de musique ? Pas forcément évident pour l'auditeur, mais heureusement Joanna Newsom fournit le mode d'emploi avec.
Easy, easy. You must not fear. You must meet me, to see me.
Commencer en douceur, prendre son temps (comme je l'ai fait pour rédiger cette chronique), ne pas avoir peur d'aller à sa rencontre. Voilà comment attaquer ce Have One On Me où des cordes et un piano nous accueillent, la harpe étant laissée de côté sur le premier titre histoire de montrer que cet album ne sera pas un long tunnel de deux heures de l'instrument de prédilection de la belle californienne. Oh pas de tromperie sur la marchandise non plus, le titre éponyme placé en deuxième position sera là pour savoir si vous aurez le courage de poursuivre. Avec ses onze minutes de harpe, c'est le test "ça passe ou ça casse". Et si ça passe, quel bonheur que ces onze minutes de montagnes russes avec des petites bosses pour débuter avant le décollage sur le final et quelle joie de tendre l'oreille et d'entendre tous ces instruments anciens très discrets mais qui font tout l'intérêt de ce morceau (Kaval, Timpani, Tarhu, Kemençe, que l'on retrouvera plus tard sur 'Kingfisher'). La lassitude semble impossible, les ambiances alternent sans cesse entre titres à la harpe (parfois seule comme sur ''81', 'Jackrabbits', 'Esme', souvent accompagnée par des cuivres ou une discrète section rythmique) et morceaux au piano comme ce 'Good Intentions Paving Company' à l'atmosphère bar de nuit pendant les années folles, qui est sans doute ce que l'on a entendu de plus catchy de la part de Joanna Newsom depuis son premier album.
Hey hey hey, the end is near! On a good day, you can see the end from here. But I won't turn back now, though the way is clear; I will stay for the remainder.
Avec 'On A Good Day' et ses moins de deux minutes, on attaque le deuxième volet, le plus court. Il faut d'ailleurs voir ces trois disques comme un vrai triptyque (d'où les trois disques pour coller au format vinyle, alors que deux cds auraient suffi), avec une entame toujours très accrocheuse, un gros moment fort vers le milieu et des instants plus calmes et linéaires par ailleurs. Des moments qui pourraient paraître plus faibles sur les premières écoutes mais qui font toute la force de ce disque sur la longueur, car des morceaux comme 'No Provenance', 'Go Long' (qui porte bien son titre!) et ses trois harpes qui se croisent ou encore 'Autumn' révèlent toutes leurs qualités une fois que l'on connaît par coeur les titres les plus évidents. Côté temps forts et évidence, on pense à 'In California', pièce centrale de l'oeuvre, sans doute le titre le plus élaboré, où la harpe est rejointe par des cordes et des cuivres qui explosent après sept minutes. On pense également à 'Jackrabbits' où la voix plus douce que jamais convaincra les plus réfractaires, ou encore 'Soft As Chalk' qui ouvre le dernier disque (avec la même ambiance que sur 'Good Intentions...').
No time! No, no time! Now, I have got all the time in the world.
Au bout d'une heure et demie, on oublie le temps, on se laisse porter par le troisième disque et son enchaînement de quatre titres à la harpe, pendant plus de trente minutes. On s'y perd, on laisse divaguer son imagination et ses pensées sur 'Esme', 'Ribbon Bows' avec sa mandoline qui apporte la touche médiévale qui dominait sur Ys, pour terminer en beauté par l'envolée finale de 'Kingfisher' puis 'Does Not Suffice' qui reprend au piano le refrain de 'In California'.
Have One On Me n'est certainement pas pour tout le monde. Ceux qui n'aimaient pas la miss jusqu'ici ont peu de chances de changer d'avis avec cet album. Mais pour les autres, il faut bien admettre qu'il n'y a rien à jeter sur ces trois disques. Bien que l'on pourrait sans doute en faire un best-of d'une heure avec les titres les plus accrocheurs, toucher à cette succession de dix-huit titres risquerait tout simplement de bousculer le fragile équilibre de la perfection. Après deux chefs-d'oeuvres consécutifs, que va bien pouvoir encore inventer cette artiste géniale qui n'est âgée que de 28 ans?
Erwan
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13:28 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
Et bien voilà, tout est dit :-)
Écrit par : Leroy Brown | 18/04/2010
Répondre à ce commentaireErwan tient déjà son album de l'année 2010 !! ;))
Écrit par : Alex (Le Yéti) | 19/04/2010
Répondre à ce commentaire@Leroy Brown: merci :-)
@Alex: Chuuuuutt, et le suspense alors? ^^
Écrit par : Erwan | 19/04/2010
Répondre à ce commentaireElle s'enregistrerait en train de faire le ménage que ce serait ton album de l'année Erwan... :)
Écrit par : lyle | 19/04/2010
Répondre à ce commentaireOui, mais jouer de la harpe en passant l'aspirateur, c'est fort peu pratique quand même!
Écrit par : Erwan | 19/04/2010
Répondre à ce commentaireElle est capable d'inventer l'harpirateur...
Écrit par : lyle | 19/04/2010
Répondre à ce commentaire:DD
Écrit par : Erwan | 19/04/2010
Répondre à ce commentaireJ'ai vraiment aimé la lecture de votre post. La qualité des matériaux.
Écrit par : Caribbean Vacation | 03/02/2011
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