album133-she & him-volume 2 : Dans le mur... du son !

She & Him - Volume 2

Label : Merge

Sortie : 23/03/10

Format : CD / LP

Disponible : Partout

Il y avait une véritable force dans le Volume One de She & Him. Zooey Deschanel écrasait tout et tout le monde par sa présence, et tout décorum n’était qu’une scène de plus pour mettre en avant la chanteuse et sa voix surannée. Tout n’était que prétexte à élever d’autant plus le piédestal sur lequel Matt Ward avait disposé son égérie, comme pour répondre à une attente évidente d’un public en émoi face à une Zooey Deschanel devenue en quelques mois le nouveau fantasme pour amateur indie. Faisons désormais un saut de deux ans.

Sur Volume Two, même si les grandes lignes demeurent les mêmes, les différences quant à elles, interviennent en second plan, et bien qu’apparemment anodines car par légères touches, elles demeurent autrement plus significatives des évolutions en œuvre au sein du duo le plus glamour de ce début de siècle. Car Deschanel et Ward est une de ces associations rêvées en parfaite adéquation de principe et de désuétude, mettant en mouvement des séquences s’incarnant en noir et blanc. Comme un cabaret d‘époque. Néanmoins, ces légères translations, comme un décalage de cadrage, manifestent d’un changement profond dans la philosophie de She & Him.

De manière éparse, la présence de Ward se fait sentir. Parfois ostensiblement, avec des chœurs en contrepoids de plus en plus réguliers ('In The Sun', 'Gonna Get Along Without You Know'), ou au travers d’un couplet chanté par Matt Ward lui-même ('Ridin’ In My Car'). Rien de bien inédit cependant. Néanmoins, de manière plus sensible, les compositions de She & Him tendent à porter de plus en plus souvent la marque « M. Ward » que ce soit par une orientation folk beaucoup plus accentuée ('Me And You'), ou par incrustation de motifs répétitifs (la rythmique de batterie sur 'Thieves' ; les associations d’instruments cordés sur 'Lingering Still') donnant ainsi à Volume Two l’occasion de remettre en équilibre les forces en présence.

Mais le point le plus essentiel est le rôle désormais de Zooey Deschanel dans cette toute nouvelle dynamique naturelle. Dans un registre doux-amer qui lui sied à merveille - à elle, son personnage et sa voix - celui-ci semble évoluer en une figure tragico-vaudevillienne. D’une Audrey Hepburn, elle se mue ainsi en une Ingrid Bergman fragile, mêlant sa nostalgie à la vie de tous les jours, empreinte alors d’une humanité d’autant plus saisissante et plus pesante. Jamais le chant de Zooey n’aura résonné de manière aussi désabusée, car désossé et dévalué de son habillage scénique ; descendu de son socle, il se bat d’autant plus pour ne serait-ce qu’exister. Si sur Volume One, Zooey Deschanel bénéficiait d’une mise en céleste, Volume Two semble en être son pendant réaliste et funeste.

Ici, il y a un réel jeu entre les compositions, entièrement incarnées par Ward, et le chant, comme une confrontation dissonante et continue ('Don’t Look Back' et cette opposition chant / piano se répondant tour à tour) ; Deschanel prend une autre envergure, restant à la fois centre de tout intérêt - avec une production tournant autour de ce timbre baroque -, et à la fois entité errante et en processus constant d’esseulement procurant à She & Him plus des allures de Patsy Cline que de Shangri-La’s. Zooey Deschanel et Matt Ward sont aujourd’hui ce que les Carpenters représentèrent des décennies plus tôt : une normalisation lissée des extrêmes et des contradictions, au point d’inspirer la rationalisation de la mélancolie par la pop, sans jamais la galvauder. En princesse comme en soubrette, Zooey sera décidément toujours la plus belle ; à défaut d’être la plus essentielle.

Kris