Dans le mur... du son !

Label : Wichita

Sortie : 01/02/10

Format : CD / LP

Disponible : Partout

Lorsque les Los Campesinos! ont débarqué il y a plus de quatre ans sur les blogs et les forums, ils avaient tout du groupe ultime pour geeks : le nom, les titres de chansons, les textes, et la musique, mix improbable de Belle & Sebastian et de Frankie Goes To Hollywood (mais si, mais si...). Ayant évité l'écueil du difficile deuxième album en transformant ce qui était prévu comme un EP au début de l'enregistrement en un deuxième album collector au titre ravageur (We're Beautiful, We're Doomed) et dont le coffret contenait des choses aussi anecdotiques qu'indispensables, les voilà déjà à l'épreuve du troisième album, celui de la maturité.

La maturité ? Los Campesinos! ? Cela semble impossible tant le groupe ressemble à un symbole de l'adulescence avec sa musique twee à l'extrême, follement rythmée et partant dans tous les sens ainsi que ses textes délicieusement décalés qui vous inciteraient bien à rester pour toute la vie un Peter Pan de 20 ans. Qu'on soit immédiatement rassuré, tout cela n'a pas entièrement disparu. S'ils n'ont pas l'immédiateté absolue d'un 'You! Me! Dancing' de toute façon impossible à surpasser, des morceaux comme 'There Are Listed Buildings', 'I Just Sighed, I Just Sighed, Just So You Know' ou 'There Is A Flag. There Is No Wind' sont festifs, totalement délirants (pour ne pas dire crétins)... enfin bref totalement jouissifs si on ne s'est pas encore transformé en vieux con coincé. On y trouve même un Gareth beaucoup plus confiant en son chant avec lequel il se permet dorénavant de jouer. Et puis  'Romance is Boring' (rien que le titre, choisi comme un symbole pour l'album) atteint une sorte de sommet avec ses guitares lourdes totalement inattendues au milieu d'un délire de légèreté pop, son refrain en forme d'hymne nonsensique ("You're pouting in your sleep, I'm walking still yawning, we're proving to each other than Romance is Boring"), ses couplets que ne renieraient pas Art Brut... Impossible de ne pas craquer.

Ouf, chez Los Campesinos!, la maturité n'est donc pas synonyme d'ennui et de sénilité avancée mais de progression (contrairement à des Johnny Foreigner qui semblent condamnés à se répéter en vain), ce dont on était déjà convaincu depuis un We're Beautiful, We're Doomed déjà beaucoup plus assuré dans son écriture : on peut s'amuser sans faire le fou, déconner en restant très sérieux. Ainsi n'y-a-t-il plus besoin d'accentuer à l'extrême les effets pour mettre en valeur les mélodies. Les harmonies sont beaucoup plus délicates et travaillées. Le plus surprenant reste que, là où le groupe excellait à l'époque de Hold On Now, Youngster... à créer des morceaux immédiats à écouter en boucle (entremélés, soyons honnête, d'un certain nombre de titres franchement médiocres), ce troisième album ne se révèle vraiment dans toute sa richesse et sa diversité qu'après de nombreuses écoutes, ce qui en ces temps de consommation instantanée d'une musique devenue jetable semble être un pari bien risqué.

Ainsi le folk rock dépressif de l'introducteur 'In Media Res' n'est pas sans rappeler le classique Heartworm des Whipping Boy tandis que 'Plan A' évoque un Deerhoof sous hélium. 'I Warned You : Do Not Make An Enemy Of Me' malgré son titre échappé d'une cour de récré (cohérent avec la pochette de l'album, ceci dit) vous balade dans tous les sens et vous laisse lessivé mais heureux. Tellement de choses différentes et, cette fois, rien à jeter dans un disque pourtant pas avare en morceaux. Et au milieu de tout cela, un bijou, 'The Sea Is A Good Place To Think Of The Future' : ses trente premières secondes plus fines que les milliers de disques folk sortis ces derniers mois, ses paroles extrêment touchantes scandées tout en retenue, un refrain comme un cri, une musique échappée de temps immémoriaux... A lui seul, ce titre prouve que la chenille est en train de devenir papillon et que Los Campesinos! pourrait bien être un des grands groupes de demain.

lyle

 http://www.myspace.com/loscampesinos