Oublié, le souvenir d'une Keren Ann en t-shirt et bottes, se révélant véritable rockeuse dans le petit Point Ephémère aux anges. Oubliées, les larmes à l'écoute de ce premier album en commun, miracle paru en 2003, Lady and Bird, conte moderne de deux enfants perdus et effrayés.
Bardi Johannsson retrouve Keren Ann salle Pleyel, à deux pas des Champs Elysées, vaste salle "classique" plus habituée à voir smoking et robes de soirées que les oripeaux des salles rock. Les publics se mélangent pour ce choc des styles. Et sans douleur le mélange prend.
Les personnages ont grandi mais n'ont pas été creusés en épaisseur. Quatre inédits, dont une ouverture et un final, encadrent une sélection tirée des albums solo des deux chanteurs. Seul 'In the Morning sun' a été conservé de la réunion de 2003. Malgré tout on n'en ressort pas déçu, le charme a opéré, la transformation a séduit. L'introductif 'Malmo Livs' porte plus la marque de Johannsson, et traine un peu en longueur comme son miroir final 'Forward and reverse'. D'emblée on touche du doigt l'ambiguïté de l'entreprise, Johannsson se révèle excellent arrangeur mais compositeur tellement moins inspiré que sa comparse. 'For you and I', qu'on connaissait de Nolita, souligne immédiatement ce contraste. L'ensemble séduit néanmoins, les chanteurs placés juste devant le choeur, en fond de scène, la jouent profil bas malgré les facéties de Bardi. Ils jouent le coup à fond, l'orchestre en avant. Comme Gil Evans a pu le faire avec Miles Davis, on teste si les morceaux sont suffisamment costauds pour être interprétés comme musique savante. Bardi étant piètre chanteur, il couvre sa voix d'effets et compense par un jeu de scène moqueur qui fait mouche. Keren Ann, elle, n'a rien à faire pour happer les regards, et captiver par sa voix superbe qu'elle maîtrise désormais à la perfection.
Hormis un rappel a cappella ironique ('We will rock you'), le programme était connu d'avance car joué à l'identique de Reykjavik. Avec quelques titres supplémentaires ('Chelsea burns', 'Lay your head down'), pour un vrai programme à entracte. Restait à voir le dispositif (un écran géant en fond de scène diffuse des films élégants quoique peu captivants), et s'ils prendraient la salle. La puissance de l'orchestre fait bel et bien la différence, dans cette salle à l'acoustique soignée. Un beau concert, très beau et sans surprises véritables. Johannsson est capable d'éclairs pop, qui gagnent ici à s'extraire de ses albums ('One more trip' et sa mélancolie profonde, 'Ghost from the past' un peu léger par comparaison, 'The world is gray' vraiment réussi en bon tube qu'il est). Johannsson est très doué pour créer des ambiances mais peine franchement dans la mélodie. Si surprise il y a, la voilà, c'est l'arrangeur et orchestrateur qui est obligé de faire appel à la puissance de l'orchestre pour passer en force et couvrir sa voix. Les morceaux et la voix de Keren Ann sont si solides, si forts, qu'au contraire ils autorisent l'orchestre a développer cent finesses, mille subtilité, autant de preuves qu'au départ il y a de vrais beaux morceaux. Et des morceaux qui sont parfois parmi ses plus anciens comme 'Not going anywhere'. La surdouée précoce n'en finit pas d'élargir sa palette.
En dernier rappel, les cordes haletantes de 'Run in the morning sun' nous mettent une dernière fois la boule au ventre, servies par un choeur impeccable. Puis le public debout lance des cris de contentement que Pleyel croyait réservés aux salles vulgaires de l'Est parisien. Ultime plaisir et clin d'oeil subliminal à une artiste qui, dans le fond, est une formidable rockeuse.
arbobo
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10:07 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
J'ai eu la chance de voir Bardi avec Bang Gang en concert et je dois avouer que c'est probablement l'expérience la plus planante qu'il m'ai été donnée de réaliser sans acides.
Combiné au talent de Keren Ann, la performance doit valoir le détour !
Écrit par : Pirhoo | 04/11/2009
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