Hope Sandoval & The Warm Inventions - Through the Devil Softly
Label : Nettwerk Sortie : 29/09/09 Format : CD Disponible : Partout | Le rock pardonne peu aux voix, peu d'interprètes, entendons par là "seulement" interprètes, ont réussi à conquérir les hall of fame. Pour une Nancy Sinatra, pas si rock que ça, pour un Bashung qui faisait ses musiques mais chantait les mots des autres, beaucoup de chanteurs et chanteuses dont le grain mémorable n'a pas suffi à leur faire gagner les galons de grands artistes. Le rock, ce n'est ni la chanson, ni le jazz, on n'y trouve guère de Frank Sinatra ou de Piaf.
Hope Sandoval, c'est justement une incarnation. Une voix d'une telle sensualité qu'elle prend corps instantanément, fait dresser les poils et rend les oreilles humides. Un jour de 1993, comme beaucoup, je découvrais un titre fabuleux, 'Fade into you', digne héritier du 'wild horses' des Stones, sommet d'un album, le 2e de Mazzy star, resté dans les mémoires. Pourtant, au-delà de ce morceau de bravoure, ce n'est pas le premier album, inabouti et sans génie, ni le 3e, qui confirmèrent le statut d'exception de la langoureuse Hope. Pire, ce sont les rois du dancefloor, les Chemical brothers, qui lui offrirent son autre morceau phare, 'Asleep from day'. A nouveau la magie opérait, à nouveau la bouche de Hope nous remplissait d'images inavouables.
Lorsque le nouvel album de Warm inventions fut annoncé, 8 ans après le premier, un frisson d'impatience nous parcourut l'échine. La présence à ses côtés de Colm O Cíosóig, batteur de My bloody Valentine, rendait plus excitante encore cette attente. Un tel attelage allait nous redonner du neuf, une alliance terrible et chaude de sons innovants et de chant captivants. A la hauteur de ces attentes, through the devil softly est un pétard mouillé. Aucun sommet, rien de neuf, et il ne faudrait pas pousser beaucoup pour qu'on avoue quelques baillements mal réfrénés. A la 8e ou 10e écoute, un certain charme alangui finit par opérer, fragile, révélant combien ce disque ne peut se défendre seul et à quel point il a besoin de conditions d'écoutes favorables. Il aurait fallu quelques grammes d'ambition pour atteindre le niveau d'antan. Aucune ambition ici justement, et le chant est trop répétitif, trop mécanique, pour exercer véritablement son charme. Paradoxalement, on retiendra plus la guitare de 'Thinking Like That' que le chant. Ce chant-là manque singulièrement d'invention pour nous resservir les mêmes inflexions, les mêmes phrases vocales qu'il y a 20 ans, 'There's A Willow' irrite rapidement, comme un Chris Isaak en roue libre, qui a du moins le mérite d'écrire ses propres titres. En 2001 les Warm inventions débutaient par une adaptation de 'Suzane' de Leonard Cohen, c'était assez bon, sans génie, et probablement la voie la moins risquée pour éviter de totalement nous ennuyer. A la manière d'un road movie, le style choisi par Hope Sandoval, celui du "presque rien", ne supporte que l'excellence ou sombre dans l'insipide.
On ne saurait reprocher à ce disque ni sa lenteur ni sa douceur, bien au contraire, mais juste un manque d'investissement de ses auteurs. En panne d'inspiration, ils révèlent combien sont nombreux aujourd'hui les artistes capables de faire aussi bien et souvent mieux que ces chansons-là. Dans le même registre, Kelly de Martino l'emporte haut la main car avec la même modestie elle ose plus, et en étant plus à vif nous donne mieux à entendre. Quantité de songwriteuses aux voix de velours ont détrôné Hope Sandoval, à juste titre. Mais le premier album du groupe, Bavarian fruit bread, reste très agréable à écouter (lui!).
arbobo
Je n'aborde pas cet album de Hope Sandoval comme la plupart de nos lecteurs, et sans doute pas non plus comme mes collègues, qui vouent un culte certain à Mazzy Star et qui sont donc les premiers à se pencher sur un nouvel album solo de l'ex-chanteuse du groupe. En effet, quand Mazzy Star a sorti son album culte So Tonight That I Might See en 1993, j'étais plutôt dans ma période Nirvana, puis Greenday et Offspring, alors Mazzy Star je m'en foutais un peu. Pourquoi s'intéresser à Through The Devil Softly alors? Parce que je me suis penché un peu plus tard sur la discographie de Mazzy Star, parce que je suis toujours curieux d'écouter un disque qui semble susciter un intérêt particulier, et parce que le premier extrait 'Blanchard' m'avait plutôt alléché.
Et le problème de ce disque, c'est justement ce 'Blanchard' placé en ouverture. Le magnifique couinement des cordes, la voix vaporeuse et toujours aussi belle de Sandoval et ces guitares évanescentes en fond : tout est parfait et rappelle les plus belles heures du groupe californien (tiens moi qui pensait qu'ils étaient anglais) (j'avais prévenu que je n'étais pas fan!). Malheureusement, le constat ne sera pas le même pour les autres morceaux, et l'album est totalement écrasé par son titre d'ouverture. On a l'impression que tout est fait pour mettre en valeur la chanteuse, en mettant en retrait les instruments, mais c'est au détriment des compositions. Malgré la variété des ambiances, comme un 'For The Rest Of Your Life' trip-hop qui fait penser à Portishead ou l'enchaînement de morceaux folk qui suit ('Sets The Blaze' ou 'Thinking Like That'), on s'ennuie ferme et l'endormissement n'est pas loin sur 'There's A Willow' (pillow?). L'intro à la batterie de 'Trouble' est d'ailleurs là pour nous réveiller je pense. Et même si la fin de l'album voit arriver des chansons plus intéressantes avec une diversification des instruments (l'autoharp sur 'Fall Aside' ou le banjo pour 'Blue Bird'), on reste sur l'impression d'un ennui poli.
erwan
Est-il possible de juger un nouvel album de Hope Sandoval en faisant abstraction des fantasmes nés de l'écoute de Mazzy Star ? Car soyons clair, ce n'est pas tant par sa musique, brillante mais pas particulièrement originale à l'époque, que par la sensualité de la voix de sa chanteuse, soufflant tour à tour le feu et la glace, que le groupe a fini par atteindre un statut culte.
Or voilà que sort, après huit années d'attente, un 'Through the Devil Softly' à la fois dépourvu de toute sensualité et du côté space-rock éthéré qui faisait l'autre partie du charme du groupe. Du simple folk, a-t-on pu entendre parfois. Comme on pourrait très bien le dire d'une St Vincent (autre époque, autre fantasme ?), d'une Marissa Nadler, d'une Alela Diane (n'en jetez plus la coupe est pleine !) Mais qu'y-a-t-il de simple dans le folk ? La capacité à toucher l'auditeur avec une musique qui semble avoir déjà été écrite pas des milliers d'autres n'est-elle pas la chose la plus compliquée à atteindre ?
Et il me touche, personnellement cet album. En se débarrassant de tous ses effets vocaux et musicaux (à part sur une poignée de titres comme 'Blanchard') et en se mettant à nu à un âge (oui, on n'est pas censé parler de l'âge d'une dame) où il n'est pas jugé acceptable de le faire, Hope Sandoval a réussi a faire un album épuré, mélancolique et d'une lenteur totalement introspective; une sorte de témoignage assez sombre du temps qui passe. Et étrangement, elle rappelle, par impressions fugaces au milieu des morceaux, différents artistes sur lesquels elle a eu de toute évidence une influence majeure, comme Isabel Monteiro de Drugstore ou Marissa Nadler. La boucle est bouclée. En beauté.
lyle
NB : Thomas a déjà parlé de l'album chez lui ! |
19:41 | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Je viens de m'acheter l'album et mes premières écoutes me poussent à rejoindre le camp de Lyle.
Parce que moi aussi, il me touche, cet album. J'en ai des frissons partout, dites donc :)
Écrit par : Alex | 15/10/2009
Répondre à ce commentairestéphane deschamps des Inrocks a visiblement été touché lui-aussi,
j'en conclus que si nous aimions tous Mazzy star à l'époque, ce n'étaient pas forcément tous pour les mêmes raisons :-)
Écrit par : arbobo | 15/10/2009
Répondre à ce commentaireEt heureusement finalement qu'on n'est pas tous touché par la même chose...
Écrit par : lyle | 16/10/2009
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