Sonic Youth - The Eternal
Label : Matador Sortie : 08/06/09 Format : CD/LP Disponible : Partout | Certains d'entre nous espéraient que la signature de Sonic Youth sur le label Matador, fief du rock indé, soit le signe d'un retour aux sources, d'un nouvel élan. Mais The Eternal n'est pas leur album le plus original, ni le plus intéressant. Sans être exactement mauvais, le premier sentiment qu'il inspire est : un coup pour rien. Un son particulièrement clair et net, surtout dans la prise de son des voix, qui est une nouveauté chez eux (en tout cas poussée à ce point). Mais au détriment de leur patte, aussi. 'Walkin blue' est un titre faible, décevant, qui ne se différencie pas vraiment d'écuries à gros son du grunge ou même du hard, tout comme 'Poison arrow' amène à se demander si le groupe ne s'est pas un peu trop embourgeoisé. Heureusement un 'Massage the history', ses longues envolées brumeuses, le chant de Kim Gordon façon Jane Birkin période Gainsbourg, nous met aux anges durant 10 minutes. 'Calming the snake', et ses passages (heureusement) interminables, ou 'Malibu gas station', font partie des autres bons moments du disque, mais on n'est jamais très loin de l'autocitation.
Le groupe creuse son sillon, d'un côté on l'en remercie, de l'autre on se dit que quoi qu'on en pense, Depeche Mode ou the Cure ont toujours cherché à se renouveler, et Sonic youth pêche un tantinet ici. Le disque n'est pas mauvais, ce n'est pas exactement ça. Ce qui lui manque est surtout de la prise de risque. Souvenons-nous que Steve Shelley, au milieu des années 90, a permis de faire ses débuts à une jeune inconnue pétrifiée par la scène et au chant encore maladroit, parce qu'il croyait en son intensité et son talent : Cat Power. On rêve de les voir se lancer à nouveau de grands défis, de se lancer dans un inconnu dont, vu leur immense talent, ils nous rapporteraient des pépites.
arbobo
Préambule : je n'ai jamais aimé Sonic Youth. Je reconnais bien volontiers au groupe une influence considérable sur le rock de ces 20 dernières années, en particulier sur certains de mes groupes préférés (Deerhoof, Seafood, Blonde Redhead) mais il y a toujours eu quelque chose pour m'empécher d'apprécier sa musique. L'impression que la ligne entre ambition et prétention est trop souvent franchie ? Les voix particulièrement indigestes ? Et puis quand cet album a été choisi par la rédaction pour une chronique croisée, je me suis dit : pourquoi pas, au moins dix ans après, essayer d'écouter leur nouvel album. Bilan ?
Tout ça pour ça... Car débarassée de sa rythmique agressive et des effets de guitare maintenant devenus standards dans une partie de l'indie rock, que reste-t-il de la musique ? Des morceaux qui vont de l'efficace ('Thunderclap For Bobby Pin') et un peu barré ( 'Anti-Orgasm') mais désormais très classique jusqu'à une poignée de titres à peine dignes du pire du rock FM ('Antenna' ou 'Poison Arrow'). Et si le groupe reste quand même plus intéressant quand il étire le plus possible la longueur, on ne peut pas dire non plus que cela donne envie de ré-écouter l'album... Et puis mon principal problème avec Sonic Youth reste le chant : entre une voix masculine fade et désincarnée et les couinements qui tiennent lieu de voix féminine, l'envie d'appuyer sur la touche stop revient régulièrement...
Pas un mauvais disque mais sûrement pas un disque susceptible de convertir les sceptiques.
lyle
Un matin de 2003 et alors qu'une fois encore le dernier album de Sonic Youth n'avait récolté qu'une saine indifférence auprès d'un grand public décidément vraiment trop con, Thurston Moore eut au réveil une des ces illuminations comme en ont parfois tous ceux qui ont déjà été au moins une fois dans leur vie, à tort ou à raison, qualifiés de génies. Fou de bonheur (ça ne lui était plus arrivé depuis 1989) il s'empara du téléphone, composa le numéro de Lee Ranaldo et eut ces mots incroyables : "Et si pour une fois on se contentait d'envoyer la purée. De faire... juste du bon rock'n'roll ?" Au sein de la petite communauté sonicyouthienne par ailleurs de moins en moins jeune, la nouvelle du retour de Thurston à la mode sonique eut l'effet d'une petite bombe. Les uns, Kim Gordon en tête, furent au comble du bonheur - enfin ils allaient pouvoir éructer à n'en plus finir sur des putains de chansons. Les autres, au nombre desquels l'intermittent Jim O'Rourke, en furent dégoûtés et quittèrent le navire peu après un Sonic Nurse à moitié bien nommé (c'était en effet un album particulièrement sonique... pour la nurse, on cherche encore). Pas de quoi refroidir Thurston, qui remit le couvert avec un Rather Ripped encore plus efficacement rock'n'roll, et encore moins ambitieux. On peut donc considérer qu'en 2009, The Eternal officialise ce que tout le monde sait depuis six ans au bas mot : Sonic Youth n'a plus d'expérimental que la prétention, ses expérimentations se limitant à enregistrer des reprises de lui-même avec un talent des plus insolents. Car oui, The Eternal est un très bon album - aussi bon que puisse l'être le disque d'un collectif qui ayant inventé le rock des années deux-mille en 1988 aurait depuis longtemps pu se ranger des amplis. Sauf à considérer que le rock des années deux-milles-dix soit un revival alternatif il y a très peu de chances pour que ce disque invente quoique ce soit - mais depuis quand la mission du rocker est-elle d'inventer quoique ce soit ? Même Thurston Moore, de temps à autres, a bien le droit de se la jouer Angus Young.
Thomas
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13:29 | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Eh bé, vous les cartonnez assez sévèrement, mais, n'ayant pas encore écouté celui-ci, je pense qu'ils continuent de creuser le même filon nonchalant et sans surprise qu'ils avaient entrepris il y a quelques années.
Cet album sera-t-il le premier que je n'achèterai pas de Sonic Youth ? probablement. Je l'écouterai, l'enregistrerai auprès de l'un de mes proches, mais plus besoin d'avoir l'objet : le culte n'est apparemment pas nécessaire.
Écrit par : Chrsitophe | 28/06/2009
Répondre à ce commentairebah, 3 notes : 5, 7 et 8,
apparemment on est au moins 2 sur 3 à prednre du plaisir à ce disque ^^
Écrit par : arbobo | 28/06/2009
Répondre à ce commentaireJe confirme ;-)
C'est un album tout à fait plaisant, nerveux, bien fichu. En dépit de son manque évident d'originalité (mais qu'est-ce que l'originalité en matière de rock ?), il n'y a pas grand-chose à lui reprocher (à part son côté FM évident, car c'est bien connu Sonic Youth est un compromis entre Robbie Williams et Bon Jovi... ah la la, qu'est-ce qu'on se ferait chier sans Lyle :-D). Le problème de Sonic Youth est qu'il se traîne comme un boulet le côté visionnaire et profondément novateur de ses premiers disques... du coup, chaque fois qu'il n'invente rien (c'est-à-dire la grande majorité du temps depuis quinze ans) il essuie une volée de bois vert, quand on se satisfait très bien de redites bien plus honteuses chez foultitudes d'autres groupes.
Écrit par : Thomas | 28/06/2009
Répondre à ce commentaireJe persiste à dire que, enlevés les oripeaux sonores, les deux titres que je cite sont à peine digne de Maroon 5...
Et 5 n'est pas une mauvaise note, simplement dans le genre je préfère écouter le mini-album de The Tupolev Ghost.
Écrit par : lyle | 30/06/2009
Répondre à ce commentaireSi on enlève la prod tu veux dire ?
Mais tu prends le truc à l'envers.
Tu sais, si on ajoutais quelques oripeaux sonores à Maroon 5, il deviendrait un de tes groupes favoris :-D
Écrit par : Thomas | 30/06/2009
Répondre à ce commentairePas du tout, la vacuité et la nullité des chansons serait toujours là.
Tu peux emballer une merde du plus beau des paquets cadeaux...
Écrit par : lyle | 30/06/2009
Répondre à ce commentaireC'est ce que je dis, oui oui ;)
Écrit par : Thomas | 30/06/2009
Répondre à ce commentaireIl faudrait peut-être préciser, avant d'écrire que Sonic Youth n'a plus rien d'expérimental, que les différents membres du groupes n'ont cessé (alors qu'ils enregistraient leurs récents albums "commerciaux") de donner des concerts sous d'autres appellations ou proposant des créations soniques sans rapport avec les disques signés Sonic Youth. Le dvd Noise, filmé par Olivier Assayas lors de sa carte blanche à Art Rock il y a quelques années, en donne un bon aperçu.
C'est ça qui est bien, justement, avec Sonic Youth, cet équilibre entre expérimentations (pour les fans hardcore, disons) et albums plus accessibles (encore que... ça dépend... souvenez-vous il n'y a pas si longtemps de The Destroyed Room).
Ainsi, quand on va voir Sonic Youth sur scène, on ne sait pas à quoi s'attendre. Longues impros bruitistes ? Intégrale Daydream Nation ? Saupoudrages de standards sur la trame d'un dernier album ? Mais il est assez rare, me semble-t-il, qu'ils fassent un concert "greatest hits"... Ainsi la comparaison d'Arbobo avec Depeche Mode ou The Cure ne me convainc pas (pour ce qui est de la scène tout du moins...).
Enfin, avouez que certains morceaux de Goo ou de Dirty sont tout aussi faciles, tout aussi pop que certains enregistrés récemment (je pense à ces chefs-d'œuvres que sont 100% ou Dirty Boots).
Écrit par : Ska | 02/07/2009
Répondre à ce commentaireJe ne vois pas pourquoi il faudrait préciser ça...
Il m'arrive de bricoler dans mon coin des textes en cut-up que je publie parfois dans des revues que personne ne lit. Ca ne signifie pas que Le Golb soit un blog expérimental :-)
Sonic Youth est Sonic Youth, les projets parallèles de ses membres sont les projets parallèles de ses membres.
Sur le côté "pop" je suis d'accord, je n'irai pas le nier. Maintenant, je dois malgré accorder un point à Arbobo, rarement le groupe aura SONNE aussi pop-rock que sur cet album, et c'est moins dû aux compos elle-même qu'à une prod extrêmement claire et "classic rock".
Écrit par : Thomas | 02/07/2009
Répondre à ce commentairepour ma part ska ce n'est pas une question d'expériementation, j'ai connu SY par Goo et Dirty, que je continue d'aimer énormément sans jamais leur reprocher leur facilité d'accès.
c'est juste que là, hormis le long final, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu les titres sur des albums précédents. C'est assez pour en faire un bon disque, mais pas suffisant pour un excellent SY :-)
sinon ska, pour t'emboîter le pas on pourra lister les projets et contributions parallèles des 4 (steve shelley tient d'ailleurs les futs sur les 2 premiers cat power, si ma mémoire est bonne), Thurston sort parfois un album solo, Kim gordon s'amuse dans Free Kitten avec une membre de Pussy galore...
mais pour le côté expé ou du moins radical (c'est plus ça, voilà, c'est la radicalité qui me manque un brin sur ce disque qui n'est "que" plaisant), il vaut mieux regarder ce qu'ils sortent sur leur label, les fameux SYR 1 à 8.
Écrit par : arbobo | 02/07/2009
Répondre à ce commentaireEn tout cas, on sera d'accord sur le fait que ce n'est pas un album essentiel... Mais j'ai tendance à penser, quand même, que l'identité de Sonic Youth ne réside pas que dans les albums officiels qu'ils publient, qu'ils s'éloignent assez souvent de la formule "on sort un album ---> on tourne pour le promouvoir"...
Écrit par : Ska | 02/07/2009
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