Radiohead - Pablo Honey
Label : EMI Sortie : 23/03/09 Format : 2 x CD + DVD Disponible : Partout | Que faire lorsque vous êtes une malheureuse maison d'édition qui vient de perdre avec fracas son plus valeureux poulain ? Vider le catalogue bien sûr ! Alors comme ça, Radiohead veut faire le malin et se produire tout seul comme un grand ? Tu vas voir mon bonhomme... tu vas voir toi, le petit à tête de piaf sous tranxène... on va te faire cracher au bassinet. Du best of. De la réédition. De la Deluxe Edition. Tu la vois là, ta belle crédibilité indie ? Hein ? Regarde-bien attention... hop ! Tu la vois plus !
Et voilà le travail. Comme ce mag est encore jeune, il était évidemment nécessaire pour le lecteur (forcément naïf) que le rédacteur (forcément omniscient - la preuve : il parle à la troisième personne) précise d'emblée comment naissaient la plupart de ces rééditions qu'il chronique. C'est-à-dire le plus souvent parce qu'un label a malencontreusement besoin de se faire un peu de pognon (les artistes sont rarement consultés dans ce genre d'affaire), et c'est ainsi qu'on peut se retrouver avec pléthore de ressorties d'albums qu'on trouvait toujours partout sans la moindre difficulté, dans le meilleur des cas gavés de faces B. et d'inédits en veux-tu-en-voilà (mais c'est même pas vraiment obligatoire).
En l'occurrence de toute la flopée de rééditions radioheadiennes, celle de Pablo Honey est sans aucun doute la plus intéressante... tout simplement parce que c'est l'album mal aimé du groupe, celui qui pue des pieds pensez-donc : Radiohead n'y faisait preuve d'aucune prétention et n'essayait pas de révolutionner la pop. Il la jouait même carrément petits bras, évoluant dans un registre britpop très balisé, se rendant même coupable du crime ultime : laisser transparaître ses influences (ça, c'est pour la blague, les influences de Kid A sont toutes aussi palpables, simplement on les connaît moins... alors qu'évidemment R.E.M. sur 'Stop Whispering' ou les Stones sur 'How Do You ?' ça parle quand même à un tout petit peu plus de monde que Throbbing Wristle ou même Robert Wyatt...). Comme en plus Pablo Honey renferme 'Creep' (la chanson que les fans détestent adorer) et que sa pochette est une des plus laides de tous les temps... le moins qu'on puisse dire est que ce brave disque était très mal barré pour la postérité. D'autant qu'on ne peut même pas se raccrocher aux branches en se disant ouais, c'est ici que tout a commencé - c'est pas vrai du tout. Tous ceux qui l'ont acheté à l'époque et qui ont ensuite découvert The Bends vous le confirmeront : pas un seul qui se soit attendu à une mue si brutale. Alors que chacun des autres opus de Radiohead semble suivre une ligne continue et presque mathématique, Pablo Honey a l'air évadé de nulle-part. Un peu comme si The Bends avait été la suite de plusieurs albums fantômes enregistrés entre 1993 et 1995 (ce qu'il est, d'ailleurs : en 1994, Radiohead a bel et bien enregistré un deuxième album qu'il a en grande partie jeté à la poubelle - le reste est paru sur l'EP My Iron Lung).
Pour un peu on jurerait qu'Yorke et ses potes ont en fait enregistré Pablo Honey lorsqu'ils avaient 18 ans... ce qui n'est sans doute pas faux, beaucoup de ses titres ayant été composés à la fin des années 80 et au tout début des années 90. D'où un côté power-pop adolescente particulièrement marqué (notamment dans les textes d''I Can't' ou d''Anyone Can Play Guitar') et un goût manifeste pour le ralenti/explosion façon Pixies ('Ripcord' et 'Vegetable' sont de purs produits de la High Black Francis School of Indie Music). Un jour peut-être, dans un siècle, on finira sans doute par comprendre pourquoi un matin Thom Yorke décida d'effacer totalement cet aspect de sa musique, comment il est passé des Smiths au Krautrock et du grunge au prog. Ou non. D'ici là, autant redécouvrir un album qui n'a jamais été aussi mauvais qu'on a bien voulu le dire (il s'est fait massacrer par la critique à l'époque... et n'a eu de cesse d'être massacré par les prosélytes de l'axe OK Computer/Kid A par la suite), d'autant qu'il a particulièrement peu vieilli au regard de ce qui produisait en Angleterre en 1993. Raison subsidiaire ? Les bonus sont particulièrement renversants, reprenant pour bonne part l'EP Itch (les 'Killer Cars' et autre 'Banana Co.'), ressortant l'antique (et redoutable) 'Inside My Head' (le morceau sur lequel Muse bâtit toute sa carrière) et agrémentant le tout de quelques uns de ces lives fulgurants dont le groupe avait le secret à l'époque. C'est à n'en pas douter là, dans cette poignée de version live de 1992, qu'on trouvera vraiment le germe de ce qui deviendra plus tard le groupe qui achèvera de vider le dictionnaire de superlatifs de la presse.
Thomas
http://www.myspace.com/radiohead
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06:46 | Lien permanent | Commentaires (9)
Commentaires
Mouais. Cet album c'est l'adolescence de Radiohead. C'est un album qui sent le Biactol et la pignole quand les parents sont pas là. On aime bien l'adulte qu'il est devenu mais faut pas pousser, rappelez-vous, ce qu'il était laid, pas fini et chiant comme pas deux quand il geignait qu'il était malheureux !
Écrit par : coolbeans | 11/05/2009
Répondre à ce commentairePas fini sans doute... laid et chiant, c'est relatif quand même. On en connaît (et des dizaines) qui arrivés à l'album de la maturité n'ont pas été capable d'atteindre le niveau du plus mauvais titre de Pablo Honey...
Écrit par : Thom | 12/05/2009
Répondre à ce commentaireJe suis assez d'accord avec l'article...
On peut dire ce qu'on veut, mais Pablo Honey n'est mauvais qu'au regard de la discographie qui a suivi, il n'est pas pourri en soi... Enfin disons pas plus qu'un autre disque de pop "conventionnelle".
Et en plus, certains des titres de cet album, en live, tirent la barre du côté de The Bends (couches de guitares saturées en pagaille, folie douce...), en particulier "Stop whispering" (Et You, qui en version electro acoustique est à tomber.)
Apres, concernant la réédition, comme à l'habitude, c'est sympa de publier les faces B, le seul truc c'est qu'on les a déjà depuis longtemps...
Écrit par : Guic' the old | 12/05/2009
Répondre à ce commentaireD'autant que Radiohead n'a jamais fait grand-chose pour empêcher les gens de les télécharger, limite sur leur ancien site ils disaient carrément où on pouvait les trouver.
Bon, ceci posé, je trouve ça pas mal de les avoir toutes sur le même disque. Et puis les BBC Sessions qui referment l'album, par exemple, ou certaines démos, je crois savoir que c'est de l'inédit à 100 %
Écrit par : Thom | 12/05/2009
Répondre à ce commentaire"je crois savoir que c'est de l'inédit à 100 %"
prouve le !
:op
Écrit par : arbobo | 12/05/2009
Répondre à ce commentaire"laid et chiant", je parlais de l'ado par rapport à l'adulte qu'il est devenu... Je pense que nous sommes d'accord sur le fond, Thom.
Écrit par : coolbeans | 12/05/2009
Répondre à ce commentaire@ Arbobo : comment veux-tu que je le prouve ? De nos jours le mot "inédt" est assez relatif. Simplement sauf erreur de ma part et après avoir pas mal fouillé dans la disco en écrivant l'article, je n'ai pas trouvé de traces de ces titres sur d'autres disques du groupe...
@ Coolbeans : au temps pour moi :-)
Écrit par : Thom | 12/05/2009
Répondre à ce commentaireTient, un excellent article que je n'avais pas lu... Il y a pas mal de bonnes choses sur Pablo Honey, son plus gros problème (surtout par rapport aux albums suivants) est son manque de cohérence. On a l'impression d'une accumulation de morceaux écrits sur une très longue durée.
Moi qui essaye désepérément de lutter contre l'envie de racheter tout les radiohead avec ces versions collector qui me font de l'oeil (mais qui sont chère et dont j'i déjà tout le contenu)... et tu me relances avec un tel article ;(
Écrit par : Xavier | 08/09/2009
Répondre à ce commentaireDésolé ^^
Écrit par : Thomas | 08/09/2009
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