Buzzcocks - rééditions
Label : EMI Sortie : 27/10/08 Format : 2 x CD Disponible : partout
Label : EMI Sortie : 27/10/08 Format : 2 x CD Disponible : partout
Label : EMI Sortie : 27/10/08 Format : 2 x CD Disponible : partout | Another Music in a Different Kitchen
C'est l'un des cinq indispensables du Brit Punk, avec bien sûr The Clash, NeverMind the Bollocks, Damned Damned Damned et All Mod Cons. Le premier Buzzcocks, et aucun des deux suivants... parce qu'après ça, le punk anglais n'existe déjà plus vraiment. On sera d'ailleurs surpris (enfin... tout dépend de ses connaissances évidemment) de noter à quel point Another Music in a Different Kitchen sonne déjà très post-punk (pré-post-punk ? Ouais ok : le terme est un peu ridicule), bien plus en fait que ses deux successeurs ! L'influence (encore latente : il co-signe deux titres) du démissionnaire Howard Devoto, sans doute. Ou plus simplement l'atmosphère de Manchester, cité industrielle emblématique du courant emmené plus tard par Joy Division. Peu importe : Another Music in a Different Kitchen peut être vu, sinon comme le premier album post-punk, comme le dernier disque de la première vague punk anglaise.
Et quel disque !
En onze titres meurtriers et remarquablement produits Pete Shelley et ses ouailles inventent la pop-punk, genre qui fera école mais qui alors n'est pas encore synonyme de médiocrité crasse. Manifestement plus influencés par les Kinks que par les Dolls, les Buzzcocks reprennent ici l'héritage mélodique de Ray Davies et la foisonnance de ses textes et les écrabouillent à coup de rythmiques plombées (Steve Garvey était probablement le meilleur bassiste de la brève histoire du punk), publiant sans doute sans le savoir quelques-unes des meilleures chansons de leur temps : "Fast Cars", "No Reply", "I Don't Mind"... Paradoxe amusant : s'il a longtemps été négligé par l'histoire du rock au profit des autres pierres d'angles susmentionnées, Another Music in a Different Kitchen semble avec le recul avoir eu infiniment plus d'influence que Nevermind the Bollocks. S'y bousculent en vrac des embryons de Pixies, Hüsker Dü, Supergrass, Lords of the New Church, Smiths, Undertones... pour ne citer que les plus connus dans l'interminable liste des bâtards de Pete Shelley.
Certes on n'est pas face à un chef d'oeuvre inaltérable : objectivement, c'est sans doute l'album le plus faible de tous les classiques de cette époque-là. Les guitares sont parfois un peu systématiques dans leurs descentes d'accords, la seconde moitié est un poil moins relevée et les Buzzcocks feront bien mieux sur les deux albums suivants (également réédités ces temps-ci). Mais peu importe : si la valeur d'un disque devait se mesurer au nombre d'excellents autres disques qu'il a inspirés, celle d'Another Music in a Different Kitchen serait inestimable.
Love Bites / A Different Kind of Tension
Si cette seconde fournée de rééditions des Buzzcocks se retrouve groupée en un seul article, n'allez surtout pas croire pour autant que c'est parce qu'ils valent moins la peine qu'on s'y arrête qu'Another Music in a Different Kitchen... au contraire : Love Bites et A Different Kind of Tension sont tous deux bien supérieurs à leur prédécesseur, et s'ils sont évoqués conjointement c'est surtout parce qu'ils sont à peu près aussi géniaux l'un que l'autre et qu'ils se ressemblent pas mal...
(... et aussi bien sûr parce que je n'ai pas forcément beaucoup de temps ces temps-ci !) Déclinant dans un premier temps la formule du premier en la perfectionnant et en l'éloignant tant de l'influence de Howard Devoto que du carcan punk, Love Bites conserve ma préférence - mais la réflexion est purement subjective. Le fait est qu'A Different Kind of Tension n'a pas grand-chose de plus ou de moins, simplement le second volet de la trilogie est bien souvent le plus fort et le plus sombre... et c'est exactement le cas sur Love Bites. Chaque note semble arrachée à la folie d'un Pete Shelley qui n'a sans doute jamais mieux chanté qu'ici. Qu'il s'agisse de ritournelles à la Ramones ("Operator's Manual", "Just Lust") ou de titres moins abrasifs voire franchement pop ("Nostalgia", "Sixteen Again"), l'insouciance apparente semble cacher un malaise parfaitement séduisant, surtout lorsqu'il dévoile une palette nettement plus riche que le laissaient croire les premiers morceaux. Des ballades ici ou là ("Love Is Lies", excellente), des rythmiques nettement plus élaborées que sur Another Music ("Real World", "Nothing Left")... Love Bites n'a aucun véritable défaut... sinon peut-être celui de faire de l'ombre (à mes yeux) à A Different Kind of Tension. Un album peut-être un poil plus conventionnel qui restera le dernier du groupe durant presque quinze ans... pour ne pas dire le dernier du groupe tout court, car soyons francs si les Buzzcocks continuent de publier aujourd'hui à intervalles réguliers des albums punk-pop d'autant plus sympathiques que personne n'en parle, ils ont renoncé depuis longtemps à se montrer ne serait-ce qu'un tout petit ambitieux.
C'est donc peu dire qu'un morceau équivalent à "Sitting Around Home" serait impensable sur un de leurs opus contemporains, Shelley préférant depuis les années quatre-vingt dix se contenter de chasser sur les terres des Green Day et consorts - et sans succès en plus (la honte totale quoi). Surtout, en 1979, il avait encore l'âge de chanter des choses aussi désinvoltes et naïves que "Say You Don't Love Me", ou "You Know You Can't Help Me" - pépites méconnues scellant le virage power-pop des Buzzcocks. Le savoir faire du groupe touche même à la perfection avec "Raison d'être" et "Hollow Inside", sans parler d' "I Don't Know What to Do With My Life" - titre typiquement punk jusque dans son texte faussement désabusé. On admettra que c'est assez peu courant, de virer punk sur le tard... c'est pourtant vrai : les Buzzcocks ont publié leur album le plus typé "punk" en 1979, et alors même qu'ils avaient toujours su rester relativement en marge (déjà il n'étaient pas de Londres, ce qui aide...).
Bien entendu l'ensemble est dignement réédité et accompagné des inévitables (et indispensables) faces B., sans compter un nombre proprement délirant de démos d'excellente facture. Dans le genre, on peut difficilement faire mieux : après moult cafouillage, l'intégrale de la grande époque des Buzzcocks est donc enfin disponible dans des éditions irréprochables. Trente ans après, il était plus que temps.
http://www.myspace.com/buzzcocksofficial
Another Music in a Different Kitchen
Love Bites
A Different Kind of Tension
Thomas |
11:25 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Meeeeeeuh ouiiii, les Buzzcocks ! L'une de mes plus grosses claques rocanrol, ces 3 albums, écoutés plus que de raison et à des volumes souvent déraisonnables.
Et si on traduit, ça donne "les quéquettes qui font bzzz", non ? ^^
Histoire de pinailler (mais juste un poil), n'occultons pas l'influence du krautrock sur les Buzzcocks, déjà présente sur "Moving away from the pulsebeat" (et tout à fait d'accord pour dire que le 1er album est très "pré-post-punk" !), et encore plus évidente sur les 2 suivants. Je pense à des morceaux comme "Hollow inside", l'instru "Late for the train", "A different kind of tension","Nothing left" ou "E.S.P" qui doivent clairement beaucoup à la "motorik" hypnotique de Neu! ou aux rythmes obsédants et tribaux de Can, ces motifs cycliques et lancinants, ce côté répétitif bien appuyé (j'ai besoin d'évoquer les paroles ?^^)
Ce qui donne un hybride très curieux, appelant plus à la transe qu'au pogo, à mon sens...
Et pour une citation explicite : vous connaissez la mélodie de chant de "Sitting round at home" ? Et bien, il faut (ré)écouter "Bel Air" de Can (sur l'album "Future days") : à 1'40" arrive une petite mélodie qui revient régulièrement et va vous dire méchamment quelque chose...
(le morceau est sur MusicMe, et il est, bien évidemment, génial)
(il fait 20 minutes, ce qui est, tout de même, beaucoup plus long qu'un single des Buzzcocks)
Et merci de rappeler l'importance et l'influence de ces 3 albums teeeeeerrribles
(suis-je le seul à trouver que le brouillard de guitares de "E.S.P" fait très shoegaze ???)
Écrit par : Dahu Clipperton | 04/05/2009
Répondre à ce commentaireJe n'y avais jamais pensé, mais effectivement il y a quelque chose de "pré-shoegaze" là-dedans, oui...
(voilà, c'est dit : tu n'es pas fou)
(mais est-ce bien rassurant pour les autres ? ^^)
Écrit par : Thomas | 05/05/2009
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